Si l’année 2020 restera à tout jamais celle de la pandémie, pour quelques millions de joueurs, elle rappellera également un souvenir plus agréable. Cela fait en effet déjà cinq ans que Ghost of Tsushima est sorti sur PlayStation 4. Un titre adulé par la critique, qui s’est vendu à plus de 13 millions d’exemplaires ! Autant dire que Sucker Punch n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Et si Ghost of Yōtei était l’un des titres les plus attendus de l’année, il fallait tout de même qu’il confirme la montée en puissance de la série. Atsu parvient-elle à être encore plus tranchante que Jin Sakai ? Je vous dis tout dans les lignes qui suivent.
Le fantôme vengeur
Au cas où vous n’auriez pas suivi, je vous rappelle que cette suite n’a pas de lien direct avec le premier opus. En effet, l’aventure nous transporte une nouvelle fois au Japon, mais 300 ans après les événements narrés dans Tsushima. Et l’environnement est également différent, puisque l’on est cette fois tout au nord, sur l’île d’Ezo (appelée Hokkaidō de nos jours). On incarne Atsu, une mercenaire de 28 ans revenant sur ses terres natales pour venger sa famille. En effet, lorsqu’elle n’avait que 12 ans, sa famille a été intégralement massacrée par les “Yōtei Six”, un gang sans pitié mené d’une main de fer par un certain Saito.
Ayant miraculeusement survécu et animée d’une volonté inébranlable, la jeune fille est devenue une mercenaire redoutable en combattant au sud pendant des années. Tout au long du jeu, on va donc devoir réduire l’emprise de Saito et de ses troupes sur la région, libérer les villages, les fermes et permettre aux soldats Matsumae (vos alliés) de reprendre le contrôle. Les ennemis de mes ennemis étant mes amis, les Matsumae seront parfois à vos côtés pour quelques “assauts” de forteresses de la trame principale. Mais globalement, vous serez seul contre tous, semant la terreur et devenant la personne la plus recherchée d’Ezo.
L’aventure nous transporte une nouvelle fois au Japon, mais 300 ans après les événements narrés dans Tsushima.
L’histoire et les quêtes annexes se laissent bien suivre, sans parvenir à se montrer très surprenantes. J’aurais aimé un peu plus de rebondissements ou d’ambition, mais il faut se contenter d’un très efficace récit de vengeance. Il y a bien deux twists, mais il y a de fortes chances que vous les voyiez venir. Ghost of Yōtei reprend globalement la formule de son prédécesseur, avec un vaste open-world à parcourir, regorgeant de points d’intérêt sans pour autant donner dans la surenchère. On retrouve des éléments clés de Tsushima : les sources chaudes pour augmenter sa santé, les bambous à trancher pour améliorer son esprit ou encore les sanctuaires pour débloquer de nouvelles compétences. Suivre les renards et l’oiseau jaune est toujours une bonne idée pour découvrir ces lieux, mais vous pouvez également suivre les vents directeurs. Car bien sûr, cette bonne idée du premier volet a été reprise, et vous pouvez, au fur et à mesure de l’aventure, débloquer des airs de shamisen (un instrument de musique) guidant les vents vers le lieu souhaité.

Atsu sang pitié !
Outre ces points d’intérêt tranquilles, le monde proposé est globalement cruel et violent, en raison des forces sans pitié de Saito. Votre progression consiste dès lors à attaquer des lieux, d’un petit campement à une forteresse. Et, si possible, le faire discrètement, grâce à la possibilité, toujours ultra jouissive, d’assassiner des cibles, voire même plusieurs cibles à la fois (un enchaînement chorégraphié qui fait son petit effet). Liquider une garnison entière sans se faire repérer donne une vraie satisfaction. Un autre élément central est l’aspect chasseuse de primes d’Atsu, qui va vous permettre de traquer des tueurs en série afin de récupérer un peu d’argent. Vous pourrez également aider certains personnages secondaires, ce qui nous donne au final un nombre assez conséquent de choses à faire. D’ailleurs, il m’a fallu 45 heures pour faire le tour quasi complet. Plutôt que d’opter pour l’habituel journal de quêtes, Sucker Punch a décidé d’afficher des “cartes” sur l’écran présentant la map du jeu. Une idée sympa, puisque bien implémentée, visuelle et ergonomique. En revanche, rien de révolutionnaire : c’est simplement une autre représentation d’une liste de tâches à effectuer.
Liquider une garnison entière sans se faire repérer donne une vraie satisfaction.
Les développeurs ont vraiment fait du bon travail sur l’interface des menus, à la fois moderne et claire. Comme cet écran intitulé “Meute”, récapitulant les principaux PNJ rencontrés et vous permettant de voir s’ils ont de nouvelles choses pour vous (amélioration d’équipement ou quêtes). Ces personnages peuvent d’ailleurs venir vous voir lorsque vous montez le camp, afin que vous n’ayez pas à vous déplacer pour leur acheter quelque chose. Là encore, une idée intéressante, même si pas si utile dans les faits, puisque le voyage rapide vers un lieu peut se faire de partout et de façon instantanée grâce au SSD de la PS5. Les campements sont en tout cas nécessaires pour remonter sa barre d’esprit, fabriquer des objets ou encore se faire à manger ! Sans atteindre la profondeur des derniers Zelda, ce système permet en fait de cuire des champignons ou du saumon pour bénéficier d’un bonus temporaire. C’est à vous d’allumer le feu à l’aide du pavé tactile et à vous de griller la nourriture, en utilisant la gyroscopie pour déplacer votre brochette ! D’une manière générale, la DualSense est bien exploitée. Les vibrations sont convaincantes et l’usage des gâchettes adaptatives tout autant. Je n’en attendais pas moins d’un jeu first-party.

Des affrontements brutaux et jouissifs
Entrons maintenant dans le cœur du jeu vidéo : le gameplay. Ghost of Tsushima avait su convaincre avec des combats viscéraux, mettant en avant l’art du contre et obligeant à adapter sa posture par rapport à l’ennemi. Et sans surprise, cette suite reprend ses solides fondations en apportant quelques changements. En effet, les postures disparaissent, mais sont remplacées par une plus grande variété d’armes. Atsu n’est pas limitée à son katana et va pouvoir, au fil des heures, recevoir des enseignements de grands maîtres pour manier le double katana, la yari (lance), le kusarigama (faucille au bout d’une chaîne) ou encore l’ōdachi (un très long et lourd katana). Chaque arme dispose d’une efficacité redoutable contre une autre, et il faudra donc switcher à la volée en combat pour plus facilement déstabiliser et tuer vos ennemis. Des possibilités bienvenues, qui sont très largement renforcées par la possibilité de lancer des kunai, de créer des bombes artisanales ou encore d’utiliser des arcs pour abattre à distance. Mais ce n’est pas tout ! Puisque 300 ans se sont écoulés depuis le premier opus, la technologie a évolué et les armes à feu font leur apparition. Assez tardivement dans l’aventure, mais tout de même, cela vient encore enrichir le gameplay. De mon côté, je suis vraiment fan du lancer d’armes blanches. Lancer les katanas ou les yaris comme un javelot venant transpercer l’ennemi est aussi efficace que spectaculaire.
Avec tout ça, on a déjà un système de combat plaisant, sans demi-mesure, avec un aspect chorégraphié et brutal qui fait mouche. Mais il faut ajouter, en cerise sur le gâteau, deux points : la présence d’une louve et la jauge de l’Onryō (le surnom d’Atsu, considérée comme un fantôme vengeur). La louve avait été largement montrée dans les trailers, mais n’apparaît que par moments. Elle dispose de son propre arbre d’améliorations, et plus vous avancez, plus vous pourrez l’appeler sur demande. Mais globalement, sa venue à vos côtés est aléatoire. En tout cas, c’est une belle nouveauté, et en tant qu’admirateur des loups, je ne pouvais pas demander mieux. Concernant la jauge de l’Onryō, c’est en fait la nouvelle formule de la posture du fantôme de Jin Sakai dans le premier volet. Elle se remplit au fur et à mesure et, lorsqu’elle est pleine, cela vous permet de libérer toute votre rage. Au départ, elle se limite à une intimidation efficace. Mais une fois pleinement débloquée plus tard dans l’aventure, cela devient une séquence ultra stylée où l’écran passe en noir et blanc et où chacun de vos coups teint l’écran de rouge. Bref, Ghost of Yōtei assure le spectacle : combattre avec Atsu, c’est la classe.
Ghost of Yōtei assure le spectacle : combattre avec Atsu, c’est la classe.
Mais ce n’est pas si simple ! Car les développeurs ont prévu du challenge pour ceux qui en veulent. Avec cinq niveaux de difficulté, il y en a pour tout le monde. Je ne suis pas un hardcore gamer, mais je termine en général mes jeux en mode normal. Ici, j’ai dû passer en facile plus d’une fois, même malgré mes équipements améliorés et mes nombreuses compétences débloquées. En réalité, les combats classiques contre des groupes d’ennemis sont plutôt gérables ; ce sont les boss en un contre un qui m’ont donné des sueurs froides. J’irais même jusqu’à dire que la difficulté est parfois mal dosée, car l’écart entre les mêlées de base et les boss est assez grand. Il faut vraiment avoir un timing parfait pour parer au maximum. Mention spéciale pour la quête optionnelle de “Takezo l’Inégalé”, qui s’achève par un duel absolument monstrueux, et qui, personnellement, m’a rappelé les passages les plus ardus d’Elden Ring.

La magie d’Ezo
Au-delà des affrontements, qui sont évidemment la base d’un jeu d’action, Ghost of Yōtei nous propose d’explorer les terres d’Ezo. Depuis quelques années, la tendance est à redonner les rênes au joueur, en le laissant davantage explorer à sa guise et en le guidant moins. Cette suite parvient à donner une grande sensation de liberté sans pour autant atteindre le niveau de Zelda: Tears of the Kingdom. En fait, on peut se déplacer où on veut, suivre des indices pour découvrir des lieux et surtout utiliser sa longue-vue pour marquer des points d’intérêt au loin. Mais globalement, tous les lieux de quêtes sont “donnés” au joueur, qui n’a plus qu’à s’y rendre. Malgré tout, la formule fonctionne : cela semble être un juste milieu qui conviendra à la majorité des fans.
L’exploration est vraiment plaisante. Atsu est encore plus agile que Jin, et nul itinéraire GR ne lui résisterait. Escalader, sauter, s’accrocher aux branches ou utiliser son crochet comme grappin sont autant de moyens d’atteindre les sommets. En général, ce sont les sanctuaires qui donnent lieu à ces phases d’ascension réussies, quoique légèrement répétitives. Et puis, il y a aussi le plaisir simple de gambader aux quatre coins du monde sur son cheval, un fidèle compagnon qui donne à certains plans une autre dimension. Grâce à la magie de la direction artistique de la série, on est encore une fois émerveillé. Ghost of Yōtei est poétique et enivrant. Trotter entouré de chevaux sauvages ou être survolé par un groupe de hérons est incroyablement satisfaisant. D’autant plus que le HUD est totalement absent hors combat !
Atsu est encore plus agile que Jin, et nul itinéraire GR ne lui résisterait.
La variété des paysages est de plus au rendez-vous : vastes plaines, forêts, montagnes, cascades, falaises, tout le programme d’un jeu en monde ouvert est respecté. Et en prime, ces environnements sont à perte de vue. Le jeu propose une distance d’affichage phénoménale. Au-delà de la distance, c’est aussi le niveau de détails qui fait mouche. Souvent, dans ce genre de titres, on voit loin, mais les décors sont très largement dégradés et manquent cruellement de détails. Ici, Sucker Punch a fait un gros travail pour que des éléments très lointains demeurent détaillés. Si les paysages du jeu sont flatteurs, c’est également parce que cette suite conserve l’une des grandes forces de Tsushima : des éclairages somptueux. Du moins pour les éclairages du soleil “direct”, qui viennent baigner les lieux d’une lumière donnant instantanément envie d’ouvrir le très complet mode photo pour immortaliser le moment. Si Atsu avait un compte Instagram, elle aurait de quoi l’alimenter régulièrement !

Des réglages pour satisfaire tout le monde ?
Si je précise que les éclairages “directs” sont sublimes, c’est aussi parce que je suis bien moins enthousiaste sur les éclairages indirects. Pendant les premières heures de jeu, j’ai souvent trouvé les intérieurs et certaines séquences extérieures à l’abri du soleil bien trop ternes, presque délavés et manquant de visibilité dans les zones sombres. Même si ma TV n’est pas une foudre de guerre côté HDR, c’est la première fois que je passe autant de temps dans les menus à faire des tests de réglages. J’ai finalement réglé les contrastes sur “dramatiques” et monté la luminosité à 70 pour obtenir un résultat visuel plus cohérent. Malgré tout, ce n’était pas parfait, et il est fréquemment arrivé que je trouve les personnages trop “lumineux” par rapport au reste de l’environnement. Je ne vais pas non plus m’attarder sur ce point plus que ça, car évidemment on s’y fait, et parce que, globalement, le jeu est beau. Beau, mais inégal, à l’image de certaines textures ou de visages hors cinématiques en deçà de ce qu’on peut attendre d’un jeu first-party Sony. Mais bon, la majeure partie du temps, le titre se laisse contempler, parfois presque comme un tableau, donc ne boudons pas notre plaisir.
D’ailleurs, les développeurs ont à nouveau intégré quelques modes spéciaux, dont le retour du mode Kurosawa (en noir et blanc), mais aussi le Miike (caméra rapprochée et davantage de sang) et le mode Watanabe (musique lo-fi). Il y en a donc pour tout le monde. En parlant de ça, le jeu offre aussi un grand nombre d’options d’accessibilité afin de permettre aux joueurs en situation de handicap de découvrir l’aventure. C’est toujours quelque chose à saluer (et à démocratiser). Côté technique, on note quelques bugs de collision. Le reste est plutôt solide, et le mode performance à 60 FPS ne semble pas sacrifier grand-chose en termes de qualité graphique, ce qui est un très bon point.
Si le jeu est un plaisir pour les yeux, prend-il également soin de nos oreilles ? De ce côté, Sucker Punch fait à nouveau le choix de l’immersion totale dans l’époque, avec des musiques souvent discrètes, de petits airs de shamisen et quelques chansons par-ci par-là pour accompagner des moments clés. Ce n’est donc pas la bande-son la plus épique qu’on ait entendue dans un jeu d’action, mais elle remplit parfaitement son office et contribue à l’harmonie générale. Côté voix, le titre est jouable en japonais pour une immersion encore plus complète. J’ai personnellement opté pour l’anglais, comme d’habitude, et je n’ai aucun reproche à faire : l’ensemble des performances est solide.