Banishers : Ghosts of New Eden avait immédiatement su titiller ma curiosité lors de son annonce. Un trailer intriguant, une ambiance sombre et mature, un duo de protagonistes charismatiques et originaux, tous les ingrédients semblaient réunis pour me convaincre. Après l’avoir finalement “snobé” lors de sa sortie, je me suis enfin décidé à vivre l’aventure proposée par DON’T NOD. Et le moins que je puisse dire, c’est que la qualité est au rendez-vous !
Rendez-vous en terre inconnue
J’ai été immergé dès les premières minutes, dès l’arrivée en bateau de Red et Antea dans le village de New Eden. Une colonie américaine qui semble en proie à une terrible malédiction. La brume, le ciel sombre, la musique, le sound design, l’accent écossais : Banishers nous met parfaitement dans l’ambiance. Notre couple de banisseurs a été appelé à la rescousse par Charles Davenport, le révérend local, qui se retrouve sans solution en raison d’un fantôme particulièrement coriace qui hante New Eden. Rapidement, il apparaît que ce fantôme est en réalité bien plus puissant que tous ceux que notre duo a pu affronter par le passé. Le duel tourne court : Antea est tuée et Red est projeté d’une falaise, laissé pour mort. Voici en gros le pitch de la formidable aventure proposée par le studio montréalais.
Le périple commence donc réellement quand Red se réveille sur une plage à l’ouest de la région, sauvé par une mystérieuse femme. Très vite, le fantôme d’Antea vient le hanter. En sa capacité de chasseur d’esprits, il peut non seulement la voir mais aussi communiquer avec elle. Les deux personnages parlent d’ailleurs régulièrement entre eux tout au long du jeu, ce qui permet de les découvrir et de s’y attacher. Le gameplay s’articule autour de la complémentarité des deux amoureux, il est possible de switcher de l’un à l’autre à tout moment, je reviendrai sur ce point. Le but du jeu va être de libérer la région de la terrible malédiction qui terrorise la population et l’oblige à fuir pour garder sa santé physique… mais aussi mentale !
DON’T NOD démontre encore une fois ses excellentes qualités d’écriture
En effet, de nombreux habitants sont désormais hantés, souvent sans le savoir. Pour avancer, il va falloir résoudre ces cas de hantise. Beaucoup sont optionnels, mais évidemment quelques-uns sont obligatoires. Heureusement, ces quêtes sont intéressantes puisque DON’T NOD démontre encore une fois ses excellentes qualités d’écriture. Les histoires narrées sont matures, lugubres, voire un peu trash. J’ai vraiment aimé résoudre les cas de hantise et j’ai plusieurs fois été surpris par les twists mis en place. Au-delà de leur déroulement, c’est aussi le choix final proposé au joueur qui pourrait bien vous marquer ! En effet, les développeurs ont intégré une idée géniale qui va mettre à mal votre moral et vos principes.
A chaque fois que vous avez terminé l’enquête sur une hantise, vous avez tous les éléments en votre possession pour savoir si le fantôme (la personne décédée donc) est le principal fautif, ou si au contraire la personne hantée (et toujours vivante) a bien mérité ses tourments. Vous avez donc le choix de blâmer (tuer) le vivant, de bannir violemment le fantôme ou bien d’offrir une ascension paisible à ce dernier. Et parfois, il n’est pas simple de se décider. Surtout que ces choix ont des conséquences sur le dénouement du jeu ! Plusieurs fins sont possibles et elles dépendent grandement de la promesse que vous avez faites à votre femme Antea. En effet, assez tôt dans le jeu, Red doit décider s’il souhaite tenter de ramener sa femme à la vie via un obscur rituel nécessitant de sacrifier des humains, ou si, au contraire, il souhaite offrir une ascension paisible à l’esprit de sa femme. Qu’êtes-vous prêt à faire par amour ? Comment vivre avec vos décisions ? La thématique est universelle mais vraiment forte et intelligemment traitée.

Complément d’enquête
Le scénario principal est vraiment intéressant et va vous amener à parcourir les contrées pour revenir à l’est, là où tout a commencé. Évidemment, le périple ne se fera pas en ligne droite : vous allez rencontrer de nombreux individus et obtenir pas mal d’informations sur les origines de la malédiction. Pour mettre fin à celle-ci, mieux vaut en comprendre les causes. J’ai pris beaucoup de plaisir à progresser dans l’aventure, notamment parce que les personnages secondaires sont très bien écrits et brillamment doublés.
Le monde proposé est immersif et assez vaste. Attention, il ne s’agit pas d’un véritable open world. On a le droit à un ensemble de zones semi-ouvertes qui sont interconnectées. Vous pouvez vous déplacer à pied et partout, sans temps de chargement. Mais globalement chaque zone se constitue d’un ensemble de chemins, d’embranchements. Un peu à l’image du dernier Dragon Age. Forêts, rivières, montagnes enneigées, clairières, marais, grottes : les environnements sont nombreux, mais pas forcément très variés. Limité par son budget de gros AA, Banishers a tendance à recycler certains assets. D’un autre côté, cela donne de la cohérence à la région : des maisons ayant une architecture proche, des ensembles rocheux assez similaires, des mines qui ressemblent à… d’autres mines. Cela semble presque logique, même si évidemment certains joueurs pourraient être déçus.
On a le droit à un ensemble de zones semi-ouvertes qui sont interconnectées.
En règle générale, chaque région comporte un village et quelques habitats isolés. En discutant avec les individus, vous débloquez des cas de hantise et il faut ensuite investiguer dans les parages. Red peut fouiller, analyser des objets, lire des notes, tandis qu’Antea peut remonter la piste d’un esprit mais aussi se “téléporter” dans les airs sur quelques dizaines de mètres pour atteindre des endroits autrement inaccessibles. Plus intéressant encore, Red peut effectuer des rituels d’invocation. Il peut ainsi forcer un fantôme à se manifester afin de discuter avec lui. Ou bien voir et entendre les échos d’une scène passée. Des pouvoirs bien pratiques pour mener les enquêtes. Entre ces phases de recherche, nos banisseurs ont la vie dure puisqu’ils sont régulièrement attaqués par les âmes errantes du coin.

La menace fantôme
Les combats sont évidemment un élément central de tout Action / RPG, et Banishers ne déroge pas à la règle. Sa particularité est d’offrir deux personnages complémentaires entre lesquels on peut permuter, à tout moment. Red combat au sabre et au fusil. Antea, elle, combat avec ses poings et ses pouvoirs spirituels ravageurs appelés Manifestations. En alternant dans le bon timing, on peut effectuer des combos plus efficaces sur l’ennemi. Au fur et à mesure, on débloque de nouvelles compétences via des arbres de compétences communs aux deux héros. Impossible de tout cumuler, il faudra faire des choix en fonction de sa façon de jouer. Mais il est par exemple possible d’utiliser Antea pour envoyer une onde de choc sur les spectres, puis de les bloquer quelques secondes dans un genre de toile spirituelle, le temps de repasser à Red pour tirer au fusil sur un point faible. Pour ajouter un petit côté tactique, les pouvoirs d’Antea nécessitent du temps pour se recharger, et il est également impossible d’utiliser Antea si sa barre de points d’esprits est vide. Cette dernière se remplit en attaquant avec Red.
Sur le papier le concept est donc intéressant. D’autant plus qu’il est possible d’obtenir de nouveaux équipements pour chaque personnage et de les améliorer via un système minimaliste de craft disponible à chaque feu de camp. Feux qui permettent également de se téléporter au besoin. Sachez que d’une manière générale, il y a pas mal de coffres à ouvrir et de caisses à briser pour récupérer du matériel. Mais en réalité, il est rare de trouver un équipement vraiment intéressant. Si vous améliorez régulièrement le vôtre, il devrait être à un bon niveau en permanence. Changer d’équipement a toutefois une incidence sur le gameplay puisque chaque objet (sabre, fusil, tenue, amulette, bracelet…) modifie vos attributs globaux. Sans atteindre la profondeur phénoménale d’un Elden Ring, on a ici un système de build simple mais pas déplaisant.
Sa particularité est d’offrir deux personnages complémentaires entre lesquels on peut permuter, à tout moment.
Vous le voyez, le programme semble donc complet. Mais il est en réalité plombé par le manque de variété des ennemis, apportant une vraie répétitivité des combats. Comme j’ai été immergé dans l’univers et l’histoire du jeu, j’ai largement pu passer outre ce défaut. Mais je sais que certains pourraient être très frustrés par celui-ci. J’ai joué plus de 40 heures au titre, le temps de finir l’aventure principale et une partie des activités annexes. Durant tout ce temps, j’ai globalement affronté 5-6 types d’adversaires. On a quatre variantes des spectres, mais aussi les squelettes possédés ou les loups, par exemple. Certains sont de vrais sacs à PV, ce qui ajoute un peu de pénibilité. Parmi les choses à faire de façon optionnelle, on peut invoquer des fléaux pour les forcer à combattre et les détruire. Ces créatures auraient pu être intéressantes à affronter… si on ne les avait pas déjà battues ! En effet, les fléaux sont simplement des réapparitions des boss du jeu, avec les mêmes patterns d’attaques.
A l’image des assets ré-utilisés dont je vous parlais tout à l’heure, le manque de diversité des forces spectrales est certainement lié au budget “restreint” du jeu. Je suis intimement persuadé que si Banishers : Ghosts of New Eden avait pu bénéficier de quelques mois de développement et de quelques millions supplémentaires, il aurait pu corriger ses petits défauts. C’est un peu rageant car les développeurs ont été généreux au niveau de la map et des quêtes. Il y a de quoi jouer peut-être 70 heures pour les complétionistes. Mais paradoxalement, plus on joue, plus le manque de variété apparaît comme un défaut.

Les grands esprits se rencontrent
DON’T NOD Montréal a bien essayé de casser la monotonie des combats en intégrant des phases plus orientées exploration et énigme. Elles fonctionnent bien mais, là encore, elles finissent par se ressembler : déplacer un chariot pour accéder à un endroit, tirer sur une poulie pour faire descendre un pont ou bien encore combiner les pouvoirs de Red et Antea pour détruire d’envahissantes racines bloquant le passage. À noter aussi la présence de “Brèches du vide”. Il s’agit de niveaux assez courts, dans un monde parallèle où l’environnement flotte dans le vide. En général les combats y sont un peu plus relevés. La plupart des brèches sont optionnelles mais permettent de gagner plusieurs points d’attributs et de l’équipement. Lorsque vous entrez dans une brèche du vide, vous ne savez pas où vous ressortirez. Une vraie problématique à mes yeux, puisqu’il m’est arrivé de sortir au milieu de nulle part, et de perdre 10-15 minutes pour revenir à un feu de camp afin de voyager rapidement vers le coin où j’étais initialement. Cela fait faire des allers-retours dans des zones déjà visitées, avec les mêmes combats déjà joués qui se relancent. Dommage.
Pour autant, de mon côté, malgré ces frustrations, le jeu reste plaisant à parcourir. D’ailleurs je n’ai pas pu lâcher la manette avant le générique de fin. Et je pensais souvent au jeu lorsque je n’étais pas en train d’y jouer. L’univers m’a happé, pas seulement par son écriture exceptionnelle, mais aussi par la qualité de sa partition visuelle et sonore. Basé sur l’Unreal Engine 5, Banishers est une vraie réussite graphique. Textures, éclairages, modélisation des personnages, végétation, c’est en général très beau. Les différents lieux parviennent à dégager une atmosphère palpable et souvent pesante. Dès qu’on arrive quelque part, on sent que quelque chose ne va pas, comme un lourd secret qui hante l’endroit. Les visages se montrent aussi convaincants, ce qui est important pour ce genre de titre où les dialogues occupent une place de choix.
L’univers m’a happé, pas seulement par son écriture exceptionnelle, mais aussi par la qualité de sa partition visuelle et sonore.
Comme d’habitude, j’ai joué en anglais pour avoir la meilleure synchro labiale possible. VF ou VA, vous ne serez en tout cas pas déçus car les voix sont excellentes. J’ai apprécié de mon côté ce petit accent écossais de Red. Au-delà des voix, il faut noter également l’excellent sound design qui contribue grandement à l’immersion. Que ce soit le bruit du vent ou le souffle des esprits errants, l’atmosphère sonore a un rôle essentiel. Quant aux musiques, elles sont peu nombreuses mais réussies. DON’T NOD a fait confiance à Trevor Morris, connu notamment pour l’OST de la série Vikings ou du jeu Dragon Age : Inquisition. Malheureusement ces morceaux ne sont pas disponibles sur les plateformes de streaming.