Propulsé sur le devant de la scène par le fabuleux Life is Strange, DON’T NOD se retrouve en difficulté depuis quelques mois. Malgré des critiques globalement positives pour Jusant, Banishers : Ghosts of New Eden ou encore Harmony : The Fall of Reverie, les deux dernières années ont été marquées par des ventes décevantes et des restructurations internes. C’est dans ce contexte qu’est arrivé Lost Records : Bloom & Rage, un jeu narratif nous replongeant dans nos années lycée. Est-il à la hauteur des attentes ? Réponse dans les lignes qui suivent.
Souviens-toi l’été 1995
Au cas où vous n’auriez pas du tout suivi l’actualité, il est bon de rappeler que Lost Records est avant tout l’aventure de quatre filles, vivant dans la petite ville de Velvet Cove et devenues meilleures amies lors de l’été 1995. Vous jouez Swann, une jeune fille très introvertie, passionnée par le cinéma et vidéaste amateur. Elle va se lier d’amitié avec Nora, une guitariste à l’esprit punk assumé, Autumn, amie de Nora et bassiste du duo, ainsi que Kat, poète amatrice, très rebelle et composant des paroles pour le groupe musical que les filles ont formé : Bloom & Rage. Initialement, tout semble aller pour le mieux : c’est un été plein d’émotions, de rêves d’adolescentes et de rapprochements. Mais suite à un événement, les quatre amies se sont fait la promesse de ne plus jamais se revoir après cette période estivale. Une promesse tenue jusqu’en 2022, où un mystérieux colis est spécifiquement adressé à leur groupe “Bloom & Rage”. Un colis qui les oblige à se rencontrer à nouveau et à faire face à leur passé plein de secrets.
Suite à un événement, les quatre amies se sont fait la promesse de ne plus jamais se revoir
Le jeu oscille donc entre le présent et le passé, avec une prépondérance du passé. Dans le présent, vous ne faites finalement que discuter avec vos amies dans le bar de Velvet Cove. Ensemble, vous vous remémorez les événements de ce fameux été 95 et vous revivez donc chaque souvenir en entier. Le cœur du titre se passe en 1995, de la rencontre entre les filles à leur séparation. L’univers va donc venir titiller votre nostalgie en permanence, avec des thématiques, des problématiques et des objets du passé. Si vous avez des souvenirs de cette époque, on peut dire que vous devriez aimer ce “flashback”. Évidemment, si vous êtes plus jeune, ce sera davantage la découverte d’une période où les baladeurs CD, les tamagotchis et les vidéoclubs faisaient partie du quotidien.
Copines d’avant
Dans la peau de la timide Swann, vous allez bâtir vos relations à grand coup de choix de dialogues. Lost Records est de ce côté un jeu narratif dans la plus pure tradition du genre. Mais les développeurs ont quand même eu quelques bonnes idées. Par exemple, lors des discussions, des choix de dialogues sont disponibles quasi-instantanément, mais d’autres apparaissent au fur et à mesure des causeries de vos amies. Vous pouvez ainsi les laisser parler et répondre ce qui vous semble le plus approprié avec le maximum d’informations obtenues. Inversement, rien ne vous empêche de prendre la parole quasiment dès le début, auquel cas cela pourra faire varier la fin de la discussion. Parfois, l’analyse de votre environnement permet aussi de débloquer des choix de dialogues supplémentaires. Du coup, on a parfois deux possibilités de réponse au départ, mais quatre en attendant un peu. Un concept qui marche vraiment bien.
On prend plaisir à discuter avec Nora, Autumn et Kat. Chaque personnage a une personnalité forte, avec ses motivations, ses peurs, ses rêves. On s’attache vite à la bande et en ce sens, on peut dire que DON’T NOD réussit son pari. On est acteur d’une bouleversante tranche de vie, et je pense que certaines d’entre vous pourront facilement s’identifier à ces adolescentes rebelles, quelque peu marginales mais aussi parfois incomprises. La qualité d’écriture est vraiment bonne et capte bien l’essence des jeunes de 16 ans, qui parfois se sentent matures et souhaitent s’émanciper, mais qui sont également confrontées à une certaine naïveté et à de durs retours à la réalité. Avec elles, on passe donc par pas mal d’émotions, surtout à partir du gros twist arrivant vers la moitié du jeu. Ce dernier vient apporter une certaine profondeur et noirceur à la suite des événements.
Filmez-les tous !
Outre les discussions, le jeu met au centre de son gameplay le caméscope de Swann. La jeune fille, timide, passe son temps à filmer ce qui l’entoure. Alors qu’elle souhaitait initialement faire un genre de documentaire sur la ville verdoyante Velvet Cove, sa faune et sa flore, elle se recentre rapidement sur l’humain. En tant que joueur, vous allez pouvoir filmer à peu près tout et n’importe quoi. Pour avancer dans l’aventure principale, il faudra majoritairement filmer vos copines, leurs possessions et leurs actions. Mais de façon plus annexe, vous pouvez filmer des lieux, animaux, objets… Toutes ces courtes séquences se retrouvent dans un menu dédié. Celui-ci est un genre de récapitulatif global de vos souvenirs. Une fois suffisamment de vidéos d’une même thématique filmées, vous débloquez une mémoire que vous pouvez visionner, avec les commentaires de Swann en off par-dessus. Vous pouvez même éditer vos vidéos si vous le désirez. À condition évidemment d’accrocher à cette mécanique de jeu, qui est très prédominante dans le gameplay, presque trop.
Du coup, les autres phases de jeu retombent un peu dans les travers des jeux narratifs. On fait de petites tâches par-ci par-là, mais cela reste assez classique. Personnellement, ça ne m’a pas dérangé, car quand on lance ce genre de titres, on sait à quoi s’attendre. Vous devrez par exemple trouver un objet dans le décor, trouver la combinaison d’une serrure, nettoyer une cheminée pour y faire un feu… À un certain moment, vous pouvez composer pour votre groupe un bref sample de musique au clavier, et il sera réentendu plusieurs fois dans le jeu. Plutôt sympa.
Au niveau du rythme, autant être franc, le jeu avance tranquillement. Si vous adhérez, comme moi, à l’histoire des quatre copines, cela ne devrait pas vous poser de problème. Mais on aurait pu espérer un poil plus de scènes clés ou de retournements scénaristiques. La dimension mystérieuse est un peu sous-exploitée à mon goût, et le final s’avère un poil décevant. Le jeu est en réalité assez intimiste puisque le nombre de personnages secondaires est réduit. Mais la formule fonctionne. À noter qu’il vous faudra une grosse dizaine d’heures pour terminer l’aventure, un peu plus pour les complétionnistes. Il y a toujours la possibilité de recommencer l’aventure si vous le désirez. Le nombre de choix est considérable, et certains ont un impact direct sur les romances possibles ainsi que sur le déroulement du titre, notamment sa scène finale.
Une belle balade à Velvet Cove
Avec des budgets nettement inférieurs aux jeux Quantic Dream, DON’T NOD n’a jamais prétendu distribuer de claques graphiques aux joueurs et c’est bien normal. Malgré tout, Lost Records : Bloom & Rage s’en sort largement avec les honneurs. Le jeu est visuellement très plaisant, avec des passages en forêt même très jolis (végétation, éclairage…). Les différents protagonistes sont bien modélisés, avec des visages expressifs et des détails de la peau réussis (pour ceux qui veulent zoomer au maximum avec le caméscope !). Tout n’est pas parfait pour autant. Certaines textures sont en-deçà et la synchro labiale, surtout en VF, laisse à désirer. Comme bien souvent de mon côté, j’ai préféré jouer en anglais. La synchro est bien meilleure. En plus, les voix anglaises sont vraiment bien dans le ton, que ce soit pour les personnages principaux ou pour les secondaires. Les voix françaises sont beaucoup plus mitigées. Côté musique, les thèmes sont assez discrets, mais on a le droit à quelques musiques sous licence très qualitatives, de The Dø à Beach House.
Les voix anglaises sont vraiment bien dans le ton, que ce soit pour les personnages principaux ou pour les secondaires.
Techniquement, on note des petits problèmes de popping, notamment lors des passages du passé au présent ou inversement. Sans trop savoir pourquoi, c’est dans ces moments-là que des textures ou modèles 3D se chargent légèrement trop tard, provoquant de petites sautes visuelles. Rien de bien grave toutefois.
