Comme beaucoup d’entre vous, ma première rencontre avec Kena : Bridge of Spirits eu lieu lors du fameux PlayStation Showcase de juin 2020. Bien qu’émanant d’un jeune studio indépendant, c’est pourtant le titre qui m’avait le plus enchanté lors de l’événement. Je parlais d’ailleurs d’un véritable coup de cœur dans cet article. Malgré une communication relativement discrète de la part des développeurs d’Ember Labs, la hype n’est jamais vraiment redescendue et c’est donc plein d’excitation que j’ai lancé le jeu le Jour-J.
Esprit es-tu là ?
Comme vous le savez peut-être, il s’agit du premier jeu de ce studio. Auparavant, la fine équipe se concentrait sur la création de pubs et court-métrages d’animation. Leur projet le plus connu n’est autre que Majora’s Mask – Terrible Fate, un brillant hommage au second Zelda de la Nintendo 64. Et force est de constater qu’on retrouve dans Terrible Fate les bases de ce qu’allait devenir Kena. Une ambiance mystérieuse et magique ? Check. Une forêt dense ? Check. Une histoire étroitement liée aux masques ? Check. Les développeurs se définissent eux-même comme des conteurs d’histoires et celle proposée ici nous transporte dans un monde qui se meurt. Notre héroïne arrive en effet dans un village dépeuplé. La maladie ou la famine ont emporté la plupart des habitants et les terres sont rongées par un mal mystérieux, rendant toute culture impossible. Evidemment le prix au m2 a drastiquement baissé et Kena arrive donc sur place pour visiter des maisons…
Les développeurs se définissent eux-même comme des conteurs d’histoires
Ah non je m’égare. Notre héroïne vient en réalité guider vers l’au-delà les âmes tourmentées et corrompues qui sont à l’origine de tous les problèmes. Car, voyez-vous, Kena occupe la profession – non répertoriée sur LinkedIn – de “passeuse d’âme”. Dans cet univers magique, les habitants ont pour tradition de recouvrir le visage des défunts d’un masque en bois symbole du passage du monde des vivants à celui des morts. Il arrive toutefois que certaines âmes soient piégées sur terre et condamnées à errer. C’est là que le joueur intervient. Pour apaiser et libérer les trois esprits que proposent le jeu, il va falloir explorer le monde semi-ouvert à la recherche de reliques (objets associés à des moments clés de la vie des défunts) puis vaincre les esprits corrompus en question.
La structure de Kena : Bridge of Spirits est en réalité assez classique. On récupère la première relique liée à un personnage et on affronte un mini-boss. Puis idem avec la deuxième, puis la troisième, puis donc le combat contre l’esprit en lui-même. Une fois cela fait, on passe à la libération du personnage suivant. Cela peut paraître linéaire sur le papier, mais il faut vraiment avoir la manette en main pour comprendre à quel point chaque minute du jeu est un enchantement.
Un gameplay rot-doutable d’efficacité !
En toute honnêteté, cela faisait fort longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir sur un jeu. Il y a dans Kena ce feeling des anciens Zelda de l’ère 64, certes. Mais il y a aussi une âme et une générosité incroyable. L’équipe d’Ember Labs semble avoir tout compris. On parcourt les contrées avec un plaisir de la découverte sans cesse renouvelé. Pour progresser, notre aventurière peut notamment sauter de plateforme en plateforme, escalader de nombreuses corniches, utiliser une onde magique pour activer des mécanismes ou bien tirer des flèches grappins à l’arc pour être tractée vers des endroits autrement inaccessibles. Mais elle peut surtout compter sur les Rots, ces esprits prenant la forme d’adorables petites boules de poils noirs.
On parcourt les contrées avec un plaisir de la découverte sans cesse renouvelé.
On savait qu’ils auraient leur importance dans le gameplay du jeu mais on n’imaginait pas à quel point. Dans les phases d’exploration, les rots peuvent se fusionner temporairement sous la forme d’une créature capable de détruire les ronces et bulbes corrompus bloquant le passage. Ils peuvent aussi déplacer des objets lourds pour résoudre de petites énigmes. En combat, leur aide est carrément indispensable. On peut en effet charger leur énergie pour porter des coups ravageurs, leur demander d’immobiliser un ennemi ou bien encore de récupérer de la santé pour notre héroïne. Car celle-ci a tendance à descendre bien vite.
Kena la guerrière
En effet, sous ses atours de film d’animation coloré et enfantin, Kena est en réalité un titre exigeant. Au fil de nos pérégrinations, différents types d’ennemis se dressent sur notre chemin. Si certains font office d’échauffement, d’autres peuvent donner du fil à retordre. Il faudra donc bien viser leur point faible et savoir esquiver leurs attaques, surtout lorsqu’ils sont en nombre. Mais ces affrontements ne sont rien à côté des boss que l’équipe d’Ember Labs a imaginés. Vos nerfs vont être mis à rude épreuve, surtout dans le dernier tiers du jeu où s’installe une vraie progression par l’échec. Concrètement vous allez certainement vous faire exploser par un boss, mais chaque nouvelle tentative vous permettra de mieux cerner ses forces et faiblesses. Et au bout d’un moment, la délivrance arrivera. Il faut juste espérer que vous n’aurez pas cassé votre DualSense d’ici là ! D’autant que la caméra se montre parfois capricieuse dans les environnements restreints.
Heureusement le jeu propose trois modes de difficultés. Le plus ardu est à réserver aux fans de Souls-like. Le plus facile ne présente aucun challenge alors que l’intermédiaire est déjà bien corsé. Le gap entre les deux m’a paru trop important et un juste milieu aurait été le bienvenu. A noter qu’une fois le titre terminé, un mode de difficulté extrême est débloqué. Vous vous en doutez, il ne se destine pas à tout le monde ! Pour ma part j’ai joué en difficulté intermédiaire, récupéré tous les rots, ouvert la majorité des coffres et il m’a fallu 13 heures pour atteindre le générique de fin.
L’envoûtement visuel que l’on attendait
A chaque fois que j’éteignais ma console après une session sur Kena, j’avais déjà la furieuse envie d’y revenir. Bien qu’il puise son inspiration à droite à gauche sans révolutionner le genre, le jeu a une véritable identité. Il a aussi un côté feel-good teinté d’un poil de nostalgie qu’il est un peu difficile de transcrire à l’écrit. Mais globalement ce qu’il faut retenir c’est que tout ce qu’il fait, il le fait bien. Et cela vaut évidemment pour ses graphismes qui sont parmi les plus impressionnants vus sur PlayStation 5 jusqu’à présent. Kena brille par la qualité de sa direction artistique mais aussi par la richesse de ses décors. Plutôt que de nous proposer un open-world un peu vide, les développeurs ont préféré se concentrer sur des zones réduites fourmillant de détails. Un choix forcément judicieux lorsque le cœur de l’équipe se compose d’une vingtaine de personnes. On retrouve une végétation dense, des maisons remplies de babioles et toujours ces rots trop mignons qui nous suivent par dizaine à chaque instant. Au fil de l’aventure on débloque d’ailleurs des chapeaux pour personnaliser leur apparence et les rendre encore plus “cute”. Pour ne rien gâcher les éclairages sont magnifiques eux-aussi et le mode Performance 60 FPS ne fait aucune concession sur la qualité graphique. On en prend littéralement plein les mirettes. Et pourtant vue de près, certaines textures sont assez sommaires. Mais cela ne choque absolument pas étant donné le style graphique du titre.
Kena brille par la qualité de sa direction artistique mais aussi par la richesse de ses décors.
Évidemment vu le background d’Ember Labs, on pouvait s’attendre à des séquences cinématiques de dingues. Et le résultat est bien au rendez-vous. Même s’ils sont peu nombreux, ses interludes narratifs n’ont en effet rien à envier aux long-métrages d’animation Pixar. Les images sont bien accompagnées par les musiques de Theophany, un artiste lui aussi connu pour son album de remix des compositions de … Zelda Majora’s Mask ! Globalement la bande-son vient bercer notre aventure, sans pour autant qu’un thème culte se démarque. Il en va de même pour les doublages anglais, efficaces sans être particulièrement transcendants. A noter que le jeu ne propose pas de voix françaises. Ceux d’entre-vous ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare (ou de Ed Sheeran) devront se contenter des sous-titres français. Quoiqu’il en soit la trame narrative assez classique n’est pas très difficile à suivre.