La sortie d’un nouveau Final Fantasy est toujours un événement. Il faut dire que la série de Square Enix est l’une des plus emblématiques du paysage vidéoludique. Néanmoins les derniers épisodes n’ont pas su faire l’unanimité. Le dernier volet en date, Final Fantasy XV, est sorti en 2016 après moult reports et semblait engager la franchise vers une orientation plus action. 7 ans plus tard, l’ambitieux seizième opus débarque sur PlayStation 5 et confirme plus que jamais cette nouvelle donne.
Un univers dark fantasy teinté de Game of Thrones
Si Final Fantasy XVI est bien sûr un jeu japonais, les développeurs de la Creative Business Unit III ont cependant créé un monde plus occidentalisé que jamais. Que ce soit dans l’architecture des villes, le design de certains personnages et les références culturelles, le monde médiéval européen est presque palpable. Une influence notable est celle de la série Game of Thrones. Je ne vous dis pas ça histoire de faire du buzz avec des comparaisons ridicules. Non, clairement, le jeu essaye de s’inspirer de la série phare de HBO.
C’est notamment le cas dans les premières heures où l’on découvre un monde très noir, avec des meurtres barbares, des conflits politiques entre royaume, de la nudité (chose rare dans la saga) ou encore le fait que notre héros est accompagné d’un fidèle loup. Mais au fil des péripéties, on retrouve aussi un personnage faisant penser à Hodor, une reine manipulatrice prête à tout pour accéder au pouvoir, un détroit s’appelant The Narrow (coucou la Narrow Sea de GoT) et bien d’autres clins d’œil. Cette orientation plus mature et politique n’est pas pour me déplaire, même si au fil du jeu le côté fantastique pur prend largement le dessus sur les conflits plus terre à terre.
Cette orientation plus mature et politique n’est pas pour me déplaire.
Du début à la fin de Final Fantasy XVI, nous n’incarnons que Clive Rosefield, fils aîné de l’archiduc de Rosalia. Lors de l’introduction, nous le découvrons encore adolescent. Clive est un épéiste hors pair et le gardien attitré de son petit frère Joshua, émissaire de Phénix. Car dans le monde de Valisthéa où se déroule l’aventure, une poignée d’élus de haut rang sont choisis par les Primordiaux (équivalent des invocations) et deviennent des émissaires. Ces derniers peuvent utiliser les pouvoirs de leurs primordiaux mais aussi se transformer littéralement en ces gigantesques créatures divines. La plupart des nations de Valisthéa possède un émissaire au sommet du pouvoir ou proche du souverain. Leur pouvoir est tel qu’ils peuvent changer le cours d’une bataille. Car les guerres font rage, hélas pour les habitants aspirant à une vie paisible. Depuis quelques temps, les terres de Valisthéa sont ravagées par le Fléau noir qui rend les contrées invivables et les cultures impossibles. La verdoyante nature disparaît, poussant les royaumes à attaquer leurs voisins pour s’accaparer de nouveaux territoires.
Chaque nation possède un cristal-mère (de la taille d’une montagne) à base d’éther. L’éther se diffuse et assure la prospérité des citoyens, qui peuvent utiliser la magie pour améliorer les récoltes et bien d’autres choses. Certains d’entre eux, les pourvoyeurs, disposent de pouvoirs magiques innés et n’ont pas besoin de l’éther pour lancer des sorts. Ils sont considérés comme des montres par leur pairs et réduits à l’esclavage. L’esclavage est le thème central du jeu, vous ne pouvez tout simplement pas passer à côté. Pendant la quarantaine d’heures nécessaires pour finir la quête principale, tous les héros se battent avec une vision : offrir la liberté de vivre selon ses propres termes à tout être humain. Cette thématique est bien sûr intéressante et se développe bien dans les premières heures. Son traitement est un peu plus mitigé sur le long terme. Les personnages se contentent un peu de rabâcher les mêmes propos en boucle. La thématique de la famille est aussi très présente et globalement on s’attache aux différents personnages du jeu, que ce soit Clive, son frère Joshua, sa demi-soeur Jill et toute la ribambelle d’hommes et de femmes l’aidant dans sa quête. Le nombre de lieux et d’individus rencontrés au fil de l’aventure étant conséquent, Square Enix a eu la bonne idée d’intégrer un “Active Time Lore”. Il s’agit d’un écran accessible pendant chaque cinématique permettant d’obtenir des informations sur les différents lieux et personnages concernés par le passage narratif en cours.
Un sommet de démesure… par moments
Final Fantasy XVI impressionne dans ses premières heures de jeu : je n’ai jamais vu un rythme aussi effréné et une mise en scène aussi démesurée. Passé la courte introduction avec notre jeune Clive, on en prend littéralement plein la tronche. Parfois presque un peu trop, comme si les développeurs avaient voulu nous montrer tout ce dont ils étaient capables dès le départ. Mais pour le joueur, l’immersion dans cet univers fantastique emplie de noirceur est un régal. Pour réussir ce tour de force, l’équipe a cependant sacrifié totalement l’exploration dans les huit premières heures de l’aventure. Tout est sur un rail : on avance, on combat, on en prend plein la vue avec une cinématique épique et un affrontement de primordiaux, et on recommence. Si cela pourrait surprendre plus d’un joueur, la formule sert une mise en scène très classe avec des passages visuellement démentiels à base de décors qui s’effondrent et de primordiaux géants combattant un quart d’heure dans un spectacle pyrotechnique remarquable. D’ailleurs autant vous le dire : ne jouez jamais à FF16 si vous êtes sujet à l’épilepsie. Les développeurs ont totalement abusé des effets de lumières et de flashs, il est même souvent difficile de comprendre ce qu’il se passe à l’écran !
Après ces premières heures riches en passages forts et en révélations scénaristiques, le jeu pose enfin son rythme et vous permet de parcourir des zones un peu plus ouvertes… mais uniquement si le cœur vous en dit. Car ces zones restent dramatiquement vides et inintéressantes à explorer. La faute aux développeurs, qui n’ont pas jugé bon de récompenser la prise d’initiative et la soif de découverte des joueurs. Vous pouvez marcher et combattre pendant dix minutes pour voir ce qui se cache dans le recoin d’une zone semi-ouverte, mais vous ne tomberez jamais sur quelque chose d’utile ou surprenant ! Le plus souvent vous obtiendrez quelques matériaux pour améliorer vos équipements, mais des matériaux hyper basiques que vous avez déjà probablement en stock… Une véritable déception bien loin des RPG concurrents.
Le jeu offre des passages visuellement démentiels à base de décors qui s’effondrent et de primordiaux géants combattant un quart d’heure dans un spectacle pyrotechnique remarquable.
Mais encore faudrait-il considérer Final Fantasy XVI comme un RPG, ce qu’il n’est plus vraiment. A part quelques équipements à choisir et à améliorer et l’arbre de compétences des primordiaux sur lesquels je reviendrais, ce nouvel opus est en fait un pur titre d’action. D’ailleurs les développeurs n’ont fait aucun effort pour les quêtes annexes qui sont au mieux pénibles au pire totalement insipides. Elles sont courtes et n’ont pas de scénario. Quand je repense à The Witcher III, j’ai vraiment de la peine pour la proposition de Square Enix. N’espérez pas non plus avoir de l’influence sur les dialogues puisqu’à aucun moment le joueur peut choisir ses réponses lors d’une discussion. Bref, concentrez-vous sur l’histoire principale, vous ne raterez pas grand-chose.
Attention toutefois, l’histoire principale comporte aussi son lot d’heures creuses. Je vous parlais du début absolument fou, la suite est globalement moins réjouissante. Car sur l’aspect du rythme comme sur bien d’autres aspects, FF16 oscille entre la modernité et le périmé. La structure du jeu est ainsi d’une linéarité rare. On découvre un nouveau lieu, on parle à quelques personnes, on part à l’aventure (c’est-à-dire une ou deux zones semi-ouvertes avec quelques combats), puis on arrive dans une ville ou un donjon où l’on accumule les combats jusqu’au boss de l’endroit. C’est sans surprise. D’ailleurs on voit venir les “arènes” de combats comme le nez au milieu de la figure. Quand soudain le chemin étroit sur lequel on avançait devient une zone large de 50 x 50 mètres, l’apparition d’ennemis ne surprend guère. Le level design est resté figé dix ans en arrière. La frustration pour le joueur est immense, car le jeu continue malgré tout de distiller des moments épiques et démesurés. Mais il faut jouer trois heures plates pour obtenir son heure grandiose.
Action Man, le plus grand de tous les héros ?
On le savait depuis le départ, ce nouvel opus de la saga assume son orientation action. Le directeur des combats occupait précédemment le même poste sur Devil May Cry et cela se ressent instantanément. Nous avons droit à des affrontements extrêmement dynamiques, et même souvent trop puisque la lisibilité est totalement sacrifiée au profit du show. Le système de combat est en tout cas bien pensé et se prend facilement en main. Clive peut asséner des coups d’épée plus ou moins chargés, esquiver/contrer les ennemis, déclencher un limit break, mais surtout utiliser les compétences liées aux primordiaux. Il est possible d’équiper trois primordiaux simultanément, ce qui permet à notre héros d’avoir à disposition de nombreux sorts de différents types : feu, glace, foudre, terre, etc. Il n’y a pas de Final Fantasy sans magie, et ici il y a à priori de quoi faire. Car chaque primordial possède un petit arbre de compétences permettant de déverrouiller de nouvelles compétences ou d’upgrader les existantes, jusqu’à les maîtriser pleinement. Ce qui vous donnera alors la possibilité d’utiliser cette compétence même si le primordial associé n’est pas équipé.
Certaines compétences priorisent les dégâts et d’autres réduisent fortement la jauge de choc des ennemis. Vos adversaires les plus coriaces disposent en effet d’une barre de choc sous leur barre de santé. Chaque coup réduit celle-ci jusqu’à que l’adversaire soit déstabilisé. Il est alors amorphe et les dégâts qu’il subit sous vos assauts sont considérablement boostés. Au fil des heures on comprend bien la stratégie : utiliser ses coups et compétences spécifiques pour déstabiliser l’ennemi, puis lui lancer alors les compétences faisant le plus de dégâts. Il faut toutefois bien gérer le choix de ses compétences et leur timing. On ne peut en équiper que deux par primordiaux, en plus de celle de base (soit 9 en simultané, pas plus) et chaque compétence met du temps à se recharger. Plus elle est puissante, plus il faudra patienter avant de la réutiliser. Une fois le système bien assimilé et maîtrisé, les combats deviennent malgré tout un peu répétitifs. On utilise chaque compétence à tour de rôle puis, quand elles sont rechargées, on recommence la boucle et ainsi de suite. Et cela peut durer longtemps car certains boss sont dotés d’une quantité faramineuse de PV !
Une fois le système bien assimilé et maîtrisé, les combats deviennent malgré tout un peu répétitifs.
A noter que pendant la plupart des affrontements, votre loup super attachant Torgal (Talgor en français) peut vous aider en attaquant l’ennemi ou en vous redonnant un peu de PV. Plutôt classe. Tout comme les animations lorsqu’on approche d’un ennemi à terre et qu’un genre de finish move se déclenche. Mon petit regret est le manque de stratégie liée aux points faibles des ennemis. Dans la plupart des RPG, on peut scanner les adversaires pour trouver leurs faiblesses et les cibler spécifiquement. Ici on tape un peu dans le tas. Il n’y a pas une réelle logique, vous pouvez attaquer un ennemi de type feu avec des sorts de feu et il prendra autant de dégâts qu’avec un sort de glace par exemple.
Final Fantasy XVI peut être assez ardu si vous jouez sans aucune aide. Car oui, il existe des accessoires à équiper pour vous faciliter la vie. Une idée plutôt intelligente d’ailleurs. Ces derniers peuvent vous permettre de faire des combos ou des esquives automatiques, ou bien encore de donner automatiquement les ordres les plus logiques à Torgal. Mais l’accessoire le plus intéressant à mon sens est le ralentissement du temps pour mieux réussir à esquiver. Pour être tout à fait honnête, j’ai joué quelques heures sans aucune aide. Et ma frustration grandissait à chaque game over car la raison était toujours identique : je n’avais pas réussi à esquiver un coup, car je ne l’avais tout simplement pas vu venir. Qu’il y ait de nombreux adversaires à l’écran ou parfois un seul, Final Fantasy XVI est tellement dynamique et affiche tellement de choses en simultanée qu’il me semble quasi impossible de tout pouvoir gérer. Il y a même un sort lançant une tornade qui, bien qu’efficace, à tendance à masquer totalement l’écran ! Bref, j’ai activé l’aide à l’esquive pour éviter les crises de nerfs, même si cela rend le jeu un peu trop facile à mon goût.
J’ai abordé ci-dessus les combats lorsque Clive est sous sa forme humaine. Mais vous êtes certainement au courant de la force du titre : ses affrontements entre primordiaux. Les invocations ont toujours fait la force de Final Fantasy et cet épisode les placent au cœur du gameplay. Lors du clash avec un émissaire (personne possédant le pouvoir d’un primordial), les combats finissent systématiquement par la transformation en primordial. Une dimension épique apparaît immédiatement et il s’agit là des moments forts du jeu. Du moins au niveau de la mise en scène. Car côté gameplay, ses joutes de géants sont souvent imprécises et traînent un peu trop en longueur. Malgré tout elles permettent de varier les mécaniques du jeu, allant jusqu’à des phases de shoot’em up ! Elles sont de plus remplies de QTE qui servent là aussi la mise en scène. Bref, c’est plus beau à regarder qu’intéressant à jouer mais ça envoie quand même du lourd.
La PlayStation 5 crache-t-elle du feu ?
Avec son long temps de développement et son exclusivité temporaire sur la dernière console de Sony, on était en droit d’attendre de Final Fantasy XVI une véritable démonstration graphique. Le résultat est à l’image de tous les autres aspects du jeu : un mix entre excellence et déception. Globalement le jeu est correct et trouve ses fulgurances dans les séquences cinématiques et dans les combats. Car les effets visuels sont très réussis, les flammes bien sûr mais pas seulement. Chaque affrontement est un spectacle, parfois trop intense pour le bien du gameplay puisque la visibilité de l’action est souvent reléguée au second plan. Certains panoramas sont jolis et les textures sont quelquefois détaillées. Et puis il y a tous les autres moments où les textures sont faiblardes et les modélisations old school. C’est notamment le cas des personnages et de leur visage. Hors cinématique, ces derniers sont beaucoup plus lisses et relativement inexpressifs, surtout lorsqu’il s’agit de PNJ secondaires. La mise en scène est alors datée avec des personnages debouts, droits, totalement statiques et simplement une alternance de plans de caméra champ-contrechamp. La bonne nouvelle en revanche c’est que le titre de Square Enix sort dans un état réellement fini, et il sera difficile de lui trouver des bugs techniques.
Chaque affrontement est un spectacle, parfois trop intense pour le bien du gameplay puisque la visibilité de l’action est souvent reléguée au second plan.
Quant aux musiques de ce seizième opus, elles sont composées par Masayoshi Soken. Il était déjà l’œuvre sur Final Fantasy XIV, comme bon nombre de membres de l’équipe dirigée par Hiroshi Takai. La bande-son est efficace sans être la meilleure entendue dans un jeu de la licence. Le thème créé pour les combats de boss m’a toutefois beaucoup plu. Un dernier point pour finir sur les voix et traductions. J’ai fait le choix de jouer en anglais, sous-titré en anglais. Les doublages anglais sont en effet excellents et c’est sur ceux-ci que les synchronisations labiales ont été réalisées, ce qui renforce l’immersion. Mais pourquoi ne pas les combiner aux sous-titres français me direz-vous ? Et bien tout simplement parce que ces derniers sont basés sur les scripts japonais d’origine. Et l’écart entre les voix anglaises et les sous-titres français est parfois énorme ! On est à la limite de lire l’opposé de ce qu’on entend. Bref, si vous jouez en anglais, utilisez les sous-titres anglais ou désactivez-les.